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NOSTALGIE du FUTUR
Labyrinthe de couleurs pour violon et piano
(88 Fragments)

op.37
(1998 / 2008)
à Eiichi Chijiiwa, créateur de cette pièce, très amicalement;
et de même en amical souvenir à Alberto Neuman, l'inventeur du titre;
avec mon admiration à tous les deux.


(titres détaillés et page de la partition - 'Violet' - après le texte en bas de cette page)

 Les fragments contenus dans cette pièce ont été composés durant un laps de temps très large de 10 années, et constituent un peu l'équivalent d'un 'journal'. Néanmoins la période de composition se concentre majoritairement entre 2005 et 2008. De 2005 également date la conception générale et la structure de la pièce. Cette structure est inspirée par les différentes théories du rapport entre les sons et les couleurs, tout comme celles des tonalités avec les sentiments, mais sans aucune prétention pseudo-scientifique, plutôt même avec un regard amusé ou doucement ironique que soulignent les citations en exergue de chaque page. Les trois principaux inspirateurs sont Rameau, Newton et Scriabine. Chaque page de huit fragments est reliée à une couleur spécifique. C'est ainsi que dans cette pièce, sans que le principe décrit ici soit strictement respecté, le Rose, relativement polarisé sur Ré, aura tendance à la tendresse et à l'espressivo, le Rouge en Do à l'ardeur et au tremolo, l'Orange en Si à l'espérance et aux sons harmoniques, le Jaune en La à la jalousie et au mode de jeu "sul ponticello", le Vert en Sol à la fidélité avec des ostinati et le mode "sul tasto", le Bleu en Fa à la langueur avec des glissandi, le Violet en Mi aux coquetteries ou caprices avec des pizzicati, enfin le Brun revient en Ré avec persévérance, souvent avec sourdine, alternant trilles ou accords. L'introduction en Blanc, polarisée sur la quarte sol # - do #, symbolise le bonheur avec souvent des sons statiques et doux, tandis que l'Intermezzo en Noir, sur la quarte la # - ré #, concentre surtout en lui le désespoir, musique violente, frénétique ou désolée. En conclusion vient l'Or, basé sur le fa #, plutôt avec détachement et contemplation, cette 11ème page étant du reste la plus libre dans ses huit fragments, révélant dans une forme "originelle" beaucoup des motifs entendus auparavant. Quant aux légères variations aléatoires dans l'ordre et à l'intérieur des différentes pages (huit versions de l'oeuvre sont possibles), elles sont une illustration à la fois nostalgique et humoristique d'un travail sur la perception du temps, un aléatoire considéré il y a un demi-siècle comme une des perspectives du futur... L'impression générale peut éventuellement se comparer à une série de photos de huit visages, présentés sous onze éclairages différents.

 
Note technique sur le parcours de la pièce et l'ordre des différentes sections

Trois situations:
1- l'Introduction (En Blanc) et le Final (En Or) doivent être joués au début et à la fin de l'oeuvre comme prévu, et dans l'ordre où ils sont imprimés.
2 - Pour les "pages" numérotées de I à VIII, le hasard doit déterminer l'ordre dans lequel on les joue, plus exactement à partir de quelle "page" (le plus simple étant de demander à un auditeur (ou auditrice) du public quelle est sa couleur préférée entre les huit possibles, ou bien dans le cas d'un enregistrement, à l'ingénieur du son). Ce choix détermine aussi l'ordre interne des fragments à l'intérieur de chaque "page" de couleur. Par exemple si le choix était "Orange", on commence par les Pages III, et là par le fragment n.3. Puis on joue tous ceux qui suivent (4 à 8), et pour finir celui ou ceux non encore joués, en l'occurence les n.1 et 2. De même pour chaque "page", mais en arrivant à la page VIII, avant de revenir à I et II il faut obligatoirement jouer l'Intermezzo (En Noir). Dans le cas où le parcours débuterait avec la "page" I, En Rose, (après l'Introduction), l'Intermezzo suit bien entendu la "page" VIII et précède le Final, exactement là où il est imprimé.
3 - La troisième situation concerne justement cet Intermezzo dont les huit fragments doivent eux aussi se jouer dans l'ordre déterminé pour les autres "pages" numérotées.
- L'aspect "aléatoire" de cette partition doit se limiter strictement au parcours présenté ici. Il n'y a donc que huit versions différentes possibles. Les interprètes sont invités à observer une dizaine de secondes de silence entre chaque page-couleur, mais peuvent enchaîner certains fragments entre eux, surtout lorsqu'ils sont de tempi identiques. Enfin, les métronomes indiqués sont souvent approximatifs; évitons toutefois de trop nous en éloigner.

composition terminée le 8 VIII 2008

(et la révision le 28 X 2008)

durée : 27 minutes

Création le 4 décembre 2008 à Paris avec Eiichi Chijiiwa, violon et l'auteur au piano

 Titres:

 En Blanc - Introduction

Pour vivre cachés, vivons heureux. (Philippe Sollers - Carnet de nuit)

 I - En Rose

... pour tous ceux qui sentent profondément et qui ont conscience de l'inextricable labyrinthe de la pensée humaine il n'y a qu'une seule réponse possible: une tendresse ironique, et le silence. (Lawrence Durell - Justine I / Quatuor d'Alexandrie)

 II - En Rouge

Plus de lendemain,
Braises de satin,
Votre ardeur
Est le devoir.

(Arthur Rimbaud - Une saison en enfer /Délires II)

 III - En Orange

Oh midi de la vie! Seconde jeunesse!
Oh jardin d'été!
Bonheur inquiet à rester là et guetter et attendre!
J'espère les amis, préparé jour et nuit,
Les amis nouveaux! Venez! C'est l'heure! C'est l'heure!

(Friedrich Nietzsche - Par-delà bien et mal /Depuis les cimes)

 IV - En Jaune

Sait-on ce que c'est qu'écrire ? Une ancienne et très vague mais jalouse pratique dont gît le sens au mystère du coeur. Qui l'accomplit, intégralement, se retranche. (Stéphane Mallarmé - Conférence sur Villiers de l'Isle-Adam)

 V - En Vert

Le futur grammatical de la nostalgie. [...] qui projette un passé éploré dans un lointain avenir;
qui transforme l'évocation mélancolique de ce qui n'est plus en la tristesse déchirante d'une promesse irréalisable. (Milan Kundera - Une rencontre / VI Ailleurs - L'intouchable solitude d'un étranger [Oscar Milosz])

 VI - En Bleu

Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi ni à personne (...) (Sébastien de Chamfort - Maxime §319)

 VII - En Violet

Le sommeil de la raison engendre des monstres. [El sueño de la razón produce monstruos] (Francisco de Goya - Caprice n.43)

 VIII - En Brun

Beaucoup sont des obstinés pour ce qui est de la voie qu'ils ont prise, bien peu le sont quant au but. (Friedrich Nietzsche - Humain, trop humain / §494)

 En Noir - Intermezzo

Il voulait descendre jusqu'au fond noir d'une blague. (Milan Kundera - Le rideau /VI)

 En Or - Final

Le seul alchimiste capable de tout changer en or est l'amour. L'unique sortilège contre la mort, la vieillesse, la vie routinière, c'est l'amour. (Anaïs Nin - Journal)

 

 

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